Dans un arrêt du 5 avril 2022, la Cour d’appel de Poitiers a considéré que la seule preuve que doit rapporter celui qui demande une expertise judiciaire, « est l'existence d'un litige potentiel susceptible de l'opposer à son adversaire », précisant que les faits dont la preuve est recherchée doivent être de nature à avoir une influence sur la solution du litige.
A la suite d’un appel d’offres d’une entreprise pour le remplacement d’un progiciel de gestion intégré (ERP), un contrat a été souscrit avec un prestataire informatique comprenant les licences d’utilisation, l’intégration, ainsi que la formation du personnel du maître d’ouvrage. Trois mois après la mise en production du logiciel, le maître d’ouvrage s’inquiète quant à la bonne mise en place des échanges de données informatisés (« EDI »), ainsi que sur la capacité du prestataire informatique à mener à bien le projet. Le test d’intégration de l’EDI ne sera pas concluant.
Le maître d’ouvrage coupe l’accès à son système d’information et assigne le prestataire afin de voir ordonner une expertise judiciaire, et désigner un expert dans les conditions qu’il réclamait. Le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. Le prestataire fait appel de cette décision.
Dans cette affaire, le prestataire avance que la mission d’expertise ordonné par le juge n’est pas neutre mais orientée et confit à l’expert une mission d’audit générale, ce qui serait contraire au principe selon lequel celui qui demande l’expertise judiciaire doit rapporter la preuve de ses prétentions. Le prestataire soutient que le maître d’ouvrage n’avait pas suffisamment exprimé ses attentes en matière d’EDI. Ainsi, il soutient que le maître d’ouvrage doit justifier que les prestations informatiques rendues n’étaient pas conformes aux engagements contractuels et ajoute qu’il n’est pas de la responsabilité de l’expert de se substituer aux parties dans l’administration de la preuve.
Le maître d’ouvrage déclare qu’il est profane en matière informatique et que la technicité du contrat informatique explique l’absence de production d’un dossier de griefs d’une ampleur démesurée. De plus, il conteste la mission d’expert que sollicite le prestataire en ce qu’elle encouragerait l’expert à examiner exclusivement les questions objet du litige, tandis qu’il doit pouvoir examiner l’ensemble des missions des parties, et ce, en fonction de leur rôle, compétence et responsabilités.
La Cour d’appel devait donc examiner si le demandeur profane en matière informatique, devait rapporter la preuve des carences du prestataire informatique dans le cadre d’une demande d’expertise judiciaire informatique.
En conclusion, la juridiction confirme l’ordonnance rendue en première instance. Elle rappelle il n'y a pas lieu de faire peser sur le demandeur à l'expertise la charge de la preuve du fait que la mesure demandée a précisément pour objet de rapporter. De même, la Cour expose le maître d’ouvrage a suffisamment justifier sa demande en invoquant un motif légitime à recourir à une mesure d’expertise.
Source : CA Poitiers, 05/04/2022, n° 21/02006, Confirmation
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