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[ARTICLE] Le DSA et le DMA : un cadre européen inédit pour la régulation du numérique

Le 23 avril 2022, le Parlement et le Conseil de l'Union européenne ont conclu un accord politique provisoire sur le règlement « Digital Services Act » (DSA) dans le cadre de la stratégie pour un marché unique des services numériques (I). Précédemment, un accord politique provisoire entre le Conseil et le Parlement avait été trouvé le 24 mars 2022 sur le « Digital Market Act » (DMA) qui a pour but d’encadrer l’activité des marchés numériques européens (II).

Ces règlements sont très attendus en matière de liberté d’expression, de compétitivité économique et de concurrence, et de relations contractuelles entre internautes et fournisseurs de services, et devraient entrer en vigueur dès 2023.

I. Le Digital Services Act : « Ce qui est interdit offline doit l'être online »

Le « Digital Services Act » a pour vocation d’harmoniser le cadre règlementaire européen régissant l’activité des entreprises dîtes « fournisseurs de services en ligne », de toutes tailles confondues. Ce texte viendra réformer la Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).


Les institutions européennes souhaitent s’adapter aux mutations des technologies numériques en développant des dispositions spécifiques aux géants du numérique. De cette volonté ressortent trois objectifs principaux et trois catégories d’acteurs :



Ce règlement se pose comme un instrument de régulation pour les États membres, visant à éviter une distorsion du marché au profit des géants de l’Internet en matière de concurrence, et à prévenir la propagation de contenus non-désirables en ligne.


Afin de lutter contre les contenus caractérisés comme manifestement illicites, ce texte renforcera la responsabilité des plateformes en matière de modération.


Les très grandes plateformes se voient dans l’obligation « d’analyser les risques systémiques qu’ils engendrent et de mettre en place une analyse de réduction des risques »*. Elles seront tenues d’effectuer au minimum une analyse annuelle. Si un contenu potentiellement illicite est détecté, il demeurera disponible en ligne durant la conduite de l’analyse. Néanmoins, le retrait pourra immédiatement être requis à l’issue de celle-ci. Cette innovation constituerait un changement majeur dans le paysage de la responsabilité relative au domaine du numérique.





Parmi les changements majeurs, on retrouve le renforcement des autorités européennes et nationales dans leurs compétences respectives en matière de régulation des services numériques. Pour illustrer, la Commission européenne se voit attribuer « un pouvoir exclusif de supervision des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche pour les obligations propres à ce type d’acteur » ainsi qu’une compétence de sanction à travers la condamnation des entreprises concernées à une amende pouvant atteindre 6% du chiffre d’affaires mondial annuel.





















De même, les autorités européennes auront un pouvoir d’injonction de produire, ou de conserver, des preuves qui devra être proportionné au cas en question et à la sensibilité des données concernées.






















II. Le Digital Market Act : « une régulation de notre espace économique, et notre espace démocratique »

Suite à la conclusion d’un accord politique sur le « Digital Market Act » le 24 mars dernier, le règlement sur les marchés numériques, Cédric O, Secrétaire d’Etat chargé du numérique, a déclaré : « Ces règles sont décisives pour stimuler et déverrouiller les marchés numériques, renforcer la liberté de choix des consommateurs, permettre un meilleur partage de la valeur dans l'économie numérique et stimuler l'innovation ».

Le DMA est le fruit d’une réflexion ayant trouvé son inspiration dans le système de régulation des secteurs de l’énergie et des télécommunications. L’Union européenne a souhaité matérialiser la nécessité de s’adapter aux évolutions du secteur, notamment en matière de politique de la concurrence appliquée aux entreprises dîtes « contrôleurs d’accès » au web.




















Sont ainsi concernées : « Les plateformes qui ont une forte incidence sur le marché intérieur, qui constituent un point d'accès important des entreprises utilisatrices pour toucher leur clientèle, et qui occupent ou occuperont dans un avenir prévisible une position solide et durable. »**.





























Ce nouveau cadre de régulation pour les marchés numériques aura notamment pour but de limiter le monopole des grandes entreprises technologiques telles que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) vis-à-vis de leurs concurrents, et de tendre vers un rapport de force plus équitable, à la fois avec les entreprises entrantes sur les marchés numériques, et les utilisateurs européens de ces plateformes et leurs services.


Par ailleurs, en cas de violation des règles par un contrôleur d’accès, il se verra sanctionné par une amende pouvant aller jusqu'à 10 % de son chiffre d'affaires mondial total. En cas de récidive, cette somme pourra atteindre 20% du chiffre d’affaires mondial total. En cas de comportement de non-respect systématique de ces obligations par une entreprise, correspondant à une récidive d’au moins 3 fois en 8 ans, la Commission européenne sera compétente dans l’ouverture d’une enquête de marché pouvant aller jusqu’à l’adoption de mesures correctives.


Il peut en être conclu que la mise en application du « Digital Market Act » permettra la création d’une compétition plus juste entre les plateformes numériques et de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles désormais très répandues. De même, le développement d’une innovation et d’une protection des consommateurs accrues devrait être constaté.


« Le DMA n'est pas qu'une régulation du numérique, c'est une régulation de notre espace économique, et notre espace démocratique. En renforçant la compétition, nous allons avoir plus d'innovation. » Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique.

*Communiqué de presse 386/22, 23/04/2022, Législation sur les services numériques : accord provisoire du Conseil et du Parlement européen pour faire d’internet un espace plus sûr pour les citoyens européens

** Communiqué de presse de la Commission européenne



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