La prospection commerciale fait encore aujourd’hui l’objet de nombreuses décisions et sanctions de la part de la CNIL, notamment s’agissant du non-respect des conditions de recueil du consentement des clients et prospects.
Actualité
Le 10 octobre 2024, la CNIL rend une décision dans laquelle elle sanctionne deux sociétés de voyance en ligne pour non-respect des règles encadrant la prospection commerciale.
Dans les faits, les deux sociétés de voyances offraient des services par téléphone pour l’une, et par messages pour l’autre. À l’issue de contrôles opérés par la CNIL en 2021, plusieurs manquements ont été découverts et notamment un défaut de recueil du consentement pour les opérations de prospection commerciale. Les sociétés qui faisaient du démarchage commercial par e-mail et SMS, ont récolté des données via des formulaires lesquels ne permettaient pas aux personnes concernées d’être pleinement conscientes que les données collectées pourraient être utilisées aussi bien par la première que la seconde société de voyance. Ainsi, la CNIL rappelle l’impossibilité pour les sociétés de se servir des données récoltées par l’autre sans prévenir les consommateurs.
C’est l’occasion de revenir sur les différentes règles encadrant la prospection commerciale et la collecte du consentement.
Pour rappel, la prospection commerciale se définit comme une opération qui consiste en le fait de contacter de manière directe ou indirecte une ou plusieurs personnes dans le but de promouvoir des biens ou des services et de recherche une nouvelle clientèle.
Cette prospection peut se faire via de nombreux moyens tels que par voie téléphonique, par voie postale ou par envoi de mail ou de SMS.
L’opération de prospection est encadrée par l’article L34.5 du Code des Postes et des Communications Électroniques qui prévoit que la prospection commerciale est interdite dès lors que la personne qui est visée par l’opération n’a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes.
Il est nécessaire de consentir à chaque méthode de prospection envisageable.
On fait une distinction entre la prospection par voie téléphonique ou postale (1) et la prospection par voie électronique, SMS et automate d’appel (2).
1. Le démarchage par voie téléphonique ou postale
La base légale du traitement est l’intérêt légitime. La CNIL précise que ce mode de prospection est possible dès lors que les personnes sont informées, au moment de la collecte de leurs informations (et non au moment de l’appel ou de la réception du pli postal), de l’utilisation de leurs données à des fins de prospection et qu’elles soient en mesure de s’opposer à cette utilisation de manière simple et pratique.
Les clients et prospects bénéficient dont d’un droit d’opposition, qu’elle peut adresser à tout moment à l’organisation qui émet la prospection, qui a l’obligation de donner son identité au moment de la sollicitation.
2. La prospection commerciale par e-mail (campagnes d’e-mailing), SMS, MMS et automates d’appel
Dans ce second cas, il est nécessaire de recueillir le consentement, libre, éclairé, spécifique et non-équivoque de la personne visée par l’opération. Ce consentement est soumis à une action positive – il n’y a pas de consentement tacite.
Il existe deux exceptions au consentement pour ce type de prospection :
L’hypothèse dans laquelle la personne prospectée est déjà cliente de l’entreprise et que l’opération de prospection concerne des produits ou services similaires à ceux de l’entreprise.
L’hypothèse dans laquelle la prospection n’est pas commerciale.
Dans ces deux cas, il n’y a pas besoin du consentement. Le seul intérêt légitime de la société suffit. La personne visée par l’opération devra tout de même être informée de la collecte de ses données personnelles et être en mesure de s’opposer à la collecte de ses informations. Le message devra également comporter l’identité de l’organisme collecteur.
Le RGPD pose pour principe essentiel le respect du consentement des consommateurs lors de la collecte de leurs données personnelles. Ce règlement a renforcé les droits et garanties associées au consentement.
Notamment, il prévoit un droit de retrait. Ainsi, la personne doit avoir la possibilité de retirer son consentement à tout moment par le biais d’une modalité simple et équivalente à celle utilisée pour recueillir ce consentement.
Également, il est nécessaire pour l’organisme recueillant le consentement de pouvoir donner une preuve de ce dernier. Les différentes conditions du recueil doivent être documentées.
Le consentement peut être recueilli de plusieurs manières, mais la CNIL conseille souvent le recueil via une case à cocher. Ce qui est essentiel, c’est qu’il y ait un acte positif de l’utilisateur.
· Les exigences de la CNIL concernant le recueil du consentement
La CNIL est très exigeante sur le respect des conditions de collecte du consentement et n’hésite pas à sanctionner lourdement les entreprises qui manqueraient à leur obligation de recueillir un consentement libre et éclairé de la part du consommateur.
Récemment, dans une décision Foriou du 5 mars 2024, elle a condamné une société à une amende de 310 000 € pour ne pas s’être assurée que les clients et prospects avaient valablement consentis aux opérations de prospection commerciale par téléphone. La condamnation est justifiée par le caractère trompeur des formulaires utilisés pour recueillir les données personnelles. En effet, la CNIL considère que la mise en forme du texte, et la taille des différentes options (les liens permettant d’accepter le recueil des données étant beaucoup plus visibles que ceux permettant de rejeter la collecte), incite fortement l’utilisateur à accepter la prospection. La CNIL a considéré que cela ne remplissait pas les conditions d'un consentement valable à savoir une manifestation de volonté spécifique, libre, éclairée et univoque.
Elle a également considéré que la société Foriou ne pouvait se fonder sur l’intérêt légitime pour démarcher les utilisateurs, dès lors que l'information transmise à ces derniers au moment de la collecte des données n'était pas suffisante et que les prospects ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à être contactés par la société Foriou.
Cette décision souligne donc la nécessité pour les entreprises de bien choisir leur base légale de traitement et de respecter les règles encadrant encadrant cette base légale. A défaut, elles seront sanctionnées.
Une sanction similaire a été prononcée par la CNIL dans une décision HUBSIDE.STORE du 4 avril 2024. Les faits sont identiques, il est reproché à la société de mettre clairement en avant dans ses formulaires la possibilité d’accepter la prospection, en dissimulant presque (avec des caractères petits et la nécessité de cliquer sur un lien hypertexte) la possibilité qu’ont les utilisateurs à refuser le traitement. Le démarchage visé par l’entreprise était un démarchage par voie téléphonique et SMS.
Une nouvelle fois, la CNIL rappelle la nécessité pour les sociétés de disposer d’une base légale pour traiter les données personnelles, et que l’intérêt légitime ne peut être utilisé qu’à condition que les prospects et clients soient informés de la possibilité de faire l’objet d’opérations de prospection commerciale. Le manquement à l’obligation d’information est ainsi puni très sévèrement par la CNIL.
Au regard de ces décisions d’actualités, il apparaît nécessaire de pouvoir justifier rigoureusement de l’intérêt légitime ou du recueil de consentement pour mettre en place un traitement de prospection par démarchage téléphonique en fournissant une information exhaustive et transparente aux personnes dont les données sont traitées.
Dans l'hypothèse où la base légale serait le consentement, celui-ci devra être spécifique à la prospection commerciale par voie de démarchage téléphonique et non pas une acceptation générale de la politique de confidentialité.
Références :
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