Un contrat de fourniture et de maintenance de site web déclaré nul en raison de la collecte illégale de données personnelles
Cour d'appel de Grenoble, 12 janvier 2023, n°21/03701
Le 12 janvier 2023, la Cour d'appel de Grenoble a déclaré un contrat de fourniture et maintenance de site web nul, pour erreur sur les qualités essentielles du produit, estimant que le client pouvait légitimement s'attendre à une collecte licite des données personnelle.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble le 12 janvier 2023 traite de la collecte des données personnelles via les cookies. La Cour d’appel y déclare qu’un contrat portant sur la création et maintenance d’un site web peut être déclaré nul pour erreur sur les qualités essentielles dès lors que le site collecte des données personnelles illégalement.
Une entreprise d’optique a conclu un contrat avec une agence web ayant pour objet la création et la maintenance d’un site internet. Elle a ensuite été assignée en paiement. En première instance, la société d’optique a été condamnée. Celle-ci a interjeté appel, demandant la nullité du contrat. Elle reproche au site internet fourni par l’agence web d’installer des cookies sans le consentement des utilisateurs et ainsi de collecter illégalement des données personnelles. Elle demande également la nullité du contrat pour erreur sur les qualités essentielles du site web.
Sur la collecte illégale des données à caractère personnel
La société d’optique reproche à l’agence web que le site internet livré soit un instrument de collecte illégale de données personnelles. En effet, il a été démontré, par constat d’huissier, que certains cookies non-nécessaires peuvent être acceptés ou refusés par l’utilisateur. Cependant, certains autres, ayant notamment pour finalité le ciblage publicitaire, s’installent automatiquement sans le consentement de l’usager, et ce, même sans poursuivre la navigation.
De plus, le site fourni par l’intimée utilise un service dont la CNIL a déjà constaté l’illégalité en raison de l’installation de cookies publicitaires sans l’accord de l’usager.
Enfin, les internautes souhaitant exercer le droit d’accès à leurs données personnelles n’ont aucun moyen effectif d’exercer ce droit dès lors qu’il n’y a aucun formulaire de contact relatif à la collecte, le traitement ou la protection des données à caractère personnel.
Sur l’erreur sur les qualités essentielles du contrat
Pour rappel, l’article 1132 du Code civil prévoit que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due est une cause de nullité du contrat. Une qualité essentielle du contrat est la qualité du produit ou de la prestation qui a été expressément ou tacitement convenues par les parties et en considération desquelles elles ont contracté. La société d’optique demande la nullité du contrat conclu avec l’agence web pour erreur sur les qualités essentielles du site internet. Selon la Cour d’appel, le vice est justifié par le fait que le client puisse raisonnable s’attendre à ce que le site ne collecte pas illégalement les données personnelles.
De plus, la politique du site web prévoit en ses termes qu’aucune donnée personnelle ne sera recueillie sans accord préalable, ce qui conforte le client dans l’idée selon laquelle ses données ne seront pas collectées illégalement.
La société d’optique précise qu’en connaissance de cette collecte illicite, elle n’aurait pas contracté. La société étant profane en matière informatique et ainsi ne pouvant pas déceler le vice, le manque d’informations communiquées par l’intimée constitue une erreur sur les qualités essentielles du contrat.
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